vendredi 27 décembre 2013

Présidentielles 2013 à Madagascar : la périphérie contre le centre

Les résultats par régions donnés par le CENI-T sont aujourd'hui presque définitifs. Les variations par rapport au résultat final ne devraient être que minimes.
Hery Rajaonarimampianina l'emporte au niveau national. Il arrive par ailleurs sans surprise en tête dans 17 régions sur 22, confortant ainsi ses résultats du premier tour. Cela veut dire que les alliances conclues entre Jean-Louis Robinson et les candidats battus du premier tour représentent un échec sans appel. Dans les régions de la "périphérie" où Hery Rajaonarimampianina était généralement mieux placé que son adversaire au premier tour, la profonde défiance envers l'ex-président Ravalomanana a pris le dessus sur les consignes de vote, notamment celles du Général Vital.
En revanche, en Imerina, la région la plus densément peuplée de Madagascar, Jean-Louis Robinson arrive très largement en tête ce qui confirme également la tendance du premier tour. Dans cette région, les électeurs ont choisi Ravalomanana. Cela marque une césure nationale, n'en déplaise à certains intellectuels. Reste à savoir si les législatives confirmeront ou non ces phénomènes.


mardi 17 décembre 2013

Le zébu qui sortait de la mer

Dans le Sud, il existe un mythe selon lequel les zébus malgaches auraient une origine marine. Je vous entends déjà :  « ce sont les descendants du Dugong, animal comparé aux mythiques Sirènes mais aussi à des veaux de mer »
Szumski en 1968 dans son recueil de légendes intitulé « Extrême-Sud malgache » en a choisi une appelée « Le boeuf de la mer ». C'est l'histoire très ancienne d'un naufragé arabe ayant enfreint le Coran. Les autochtones en le voyant surgir sur la plage crient « Tsiomby, tsiomby », ce qui veut dire « il n'y a pas de place pour toi ici". Cela devient son surnom. Un jour, bien plus tard, alors qu'il est encore un paria, Tsiomby trouve une sorte de monstre sorti de la mer pris au piège sur une plage : c'est un zébu. Au fil des jours, il le domestique, ce qui lui vaut un grand prestige et le conduit à devenir roi local que ses sujets rebaptisent Omby. Szumski fait l'hypothèse que le mythe repose sur le fait que les zébus ont la capacité de trouver des sources sous-marines, d'y boire et de s'y prélasser, ce qui peut surprendre le commun des mortels voyant un zébu trempé, venu de la mer. Il est exact que les exsurgences marines que l'on peut observer sur les estrans ou même plus loin dans le lagon, sont nombreuses dans le Sud-Ouest de Madagascar. Il existe un lien entre le phénomène et les très beaux causses, notamment le causse Mahafale, qui surplombent le littoral. Dans leur volume formé de roches carbonatées se sont mis en place des réseaux karstiques endogènes, présentant aujourd'hui soit des galeries décorées de stalactites, soit d'impénétrables boyaux fonctionnels parcourus par des écoulements. 
 Cela ne doit pas nous faire oublier que ce conte se rattache à une série d'autres contes (Rakotondrasoa, 2012) mettant en avant que les bovins malgaches sont sortis de la mer. Cela tend à signifier que les zébus ont été apportés sur des bateaux et de l'Afrique et peut-être directement de l'Indonésie, puisqu'il semble y avoir eu divers apports, à différentes époques. 


Références : 
Rakotondrasoa, Modeste, 2012.- A propos d’un conte sur l’origine du bœuf. Taloha, 20 _ en ligne.

Rakotozafy, Lucien M.A., 2012.-. Essai d’établissement de l’histoire naturelle  des bœufs à Madagascar. Taloha, 20, en ligne.
Zébus autour d'une exsurgence sur la plage
Image Google earth (2013) montrant d'Est en Ouest : le causse, un glacis, le littoral (plage et liseré de palétuviers), le lagon.

mercredi 20 novembre 2013

Les mangroves d'Ambondrombe en progradation : diachronie

 15°31'S, 46°28'E
Aujourd'hui, nous ferons concurrence au blogue  MANGROVE, MANGALS en montrant un des innombrables exemples de progradation (dynamique de croissance) de la mangrove à Madagascar... n'en déplaise à certaines ONG et institutions internationales ! Merci à Google earth qui nous permet d'observer ce type de phénomène. Cela se passe sur une durée de huit ans, de 2003 à 2011 au nord-est de Mahajanga (Majunga).

Images 2003 en haut, 2011 en bas

lundi 18 novembre 2013

Justice populaire au temps d'Alfred Grandidier (1868)

Il m'a paru intéressant d'aller chercher dans les récits d'Alfred Grandidier cette anecdote qui peut contribuer à mieux comprendre ce qui s'est passé récemment à Nosy Be : une rumeur dirigée contre des personnes suivie d'un simulacre de justice populaire. Reste que derrière la rumeur, ici de sorcellerie, hier de trafic d'organes, il y a presque toujours une ou des personnes qui règlent des comptes. Cela se passe au Sud-Est de Madagascar. D'une manière général le scientifique qu'est Grandidier ne ressent que rarement de la sympathie pour les gens qu'il rencontre au cours de ses voyages mais par contre, celui-ci peut être considéré comme rigoureux dans son information.

" Si (quelqu'un) est accusé de sorcellerie, on le sagaye séance tenante : l'inculpé vient au lieu de l'épreuve escorté de ses parents et amis : s'il tombe, ceux-ci l'abandonnent aussitôt et les assistants, se jetant de suite sur lui, le conduisent à quelques pas de la rivière, au pied d'un petit monticule de sable où on le sagaye, et après avoir entouré son cadavre de fagots, on le brûle. Plusieurs fois, chaque année des malheureux, accusés de sorcellerie, sont mis à mort ; quelques semaines avant mon passage, l'un d'eux, quoique percé de cinq coups de sagaye, réussit à s'enfuir malgré ses horribles blessures d'où s'écoulaient des flots de sang, mais poursuivi par la meute des sauvages, hommes, femmes, enfants, hurlant et brandissant leurs armes, il finit par être rattrapé et achevé au milieu des clameurs de joie. Si le "criminel" est un esclave, on ne le sagaye pas on lui casse la tête à coups de pilon..."

(Souvenirs de voyages d'Alfred Grandidier 1865-1870. In : Documents anciens sur Madagascar VI : p. 12)

Départ pour l'aéroport d'Antsalova (Melaky)

18°40'S, 44°37'E
Antsalova (20 000 habitants) est reliée au reste du monde par quelques mauvaises  pistes, impraticables en saison des pluies, et un terrain d'aviation où se posent de rares avions d'Air Madagascar. Dans ce gros bourg, chef lieu d'un fivondronana de la région du Melaky, les voitures sont tellement rares qu'il faut aller en charrette jusqu'à l'aéroport. Rendez-vous devant l'agence Air Mad pour le départ du convoi. 

Curiosité : Sur Google earth, Antsalova se nomme Besalampy, une ville située en fait 250 km plus au nord.

L'aéroport d'Antsalova - Imagerie Google earth, Digital Globe

dimanche 17 novembre 2013

Salutations traditionnelles à Madagascar

« Quand leur maître revient d'un voyage ou d'une expédition, où il a couru quelque danger, les Malgaches s'accroupissent à ses pieds et appliquant leur nez sur son pied ils le flairent ou plutôt le reniflent, puis passant leur main dessus, ils l'essuient sur le sommet de leur tête, marquant par ce geste que leur maître et seigneur, peut s'il le veut, marcher sur eux, les fouler aux pieds, qu'ils lui appartiennent corps et âme. »

(Souvenirs de voyages d'Alfred Grandidier 1865-1870, Documents anciens sur Madagascar VI : p. 17)

samedi 9 novembre 2013

Comment on fabrique le désert à Madagascar

Même si on y trouve de belles dunes littorales vives, le Sud-Ouest de Madagascar, n'en déplaise à certains guides touristiques, n'appartient pas au domaine aride. Par contre la désertification par destruction d'un ancien couvert végétal à forte biodiversité y bât son plein. Pendant que les organismes internationaux dépensent moult argent pour démontrer que la principale menace terrestre est le réchauffement climatique, la pression démographique et la mondialisation font leur oeuvre à une vitesse fulgurante. Le causse que l'on observe ici, celui de Belomotra, était complètement couvert de fourré xérophile à Didiereaceae en 1986, voire bien plus tard (seconde diachronie). En 2003, le déboisement a fait des ravages (première diachronie). En 2013 ne subsistent que quelques lambeaux de fourré sur fortes pentes ; le ruissellement emporte les maigres sols.

Un causse au bord de l'Onilahy en aval de Tongobory, Google earth octobre 2003 (saison sèche)
Ce même causse en 2013, Google earth février 2013 (saison des pluies)
Seconde diachronie : le causse en 2004
Le causse en 2009

vendredi 8 novembre 2013

Cartes des résultats du premier tour des présidentielles dans le Grand Sud

Les résultats du premier tour des élections présidentielles de Madagascar sont aujourd'hui connus. Dans le Sud, on note que le résultat ne s'est modifié que dans les fivondronana d'Ampanihy, Benenitra et Beroroha... au profit  d'Hery Rajaonarimampianina.

Une analyse rapide montre  :
1. Les excellents résultats à l'échelle de sa région d'origine pour le Général Camille Vital : dans les districts de Toliara I et II,  il atteint environ 40% des suffrages et les dépasse à Sakaraha ;
2. La bonne assise d'Hery Rajaonarimampianina : celui-ci est presque toujours classé dans les deux premiers choix des électeurs... sauf dans le district de Betioky Atsimo ;
3. La très faible popularité locale de Jean-Louis Robinson, le vainqueur national du premier tour : dans certains fivondronana il ne dépasse pas 1% des suffrages ; il n'arrive jamais ni en première, ni en seconde place ;
4. Les bons résultats d'Hajo Herivelona Andrianainarivelo qui, comme au niveau national, se classe le plus souvent parmi les trois premiers candidats choisis ; à Betioky, c'est même un incroyable succès puisqu'il obtient plus de 50% des suffrages ;
5. Les excellents résultats de la candidate verte Saraha Georget en Ivohibe (1ere) et en Iakora (2e avec 31%) dans l'Ihorombe, ainsi que dans le district de Betroka (Anosy) ;
6. La quasi-absence de Monja Roindefo, autre candidat régional, ancien Premier Ministre et fils de Monja Joana ; à Tsihombe, il arrive cependant en seconde place ;
7. Les résultats décevants de Roland Ratsiraka, pourtant bien placé à l'échelle nationale.

Qui arrive en tête ?
Qui arrive en seconde position ?

lundi 4 novembre 2013

Présidentielles 2013 à Madagascar : carte des résultats provisoires dans le Grand Sud

Données CENI-T

 Les résultats des élections présidentielles de Madagascar ne sont que partiellement connus mais il est maintenant acquis que Jean-Louis Robinson et Hery Rajaonarimampianina seront au second tour. Il nous a paru intéressant d'observer ce qui se passait dans le Sud (régions d'Atsimo Andrefana, Androy, Ihorombe et Anosy) même si certains résultats aussi serrés qu'incomplets sont encore susceptibles de modifications. On peut noter :
1. La très faible popularité de Jean-Louis Robinson dans le Sud (à la mesure de l'impopularité de l'ex-président Ravalomana dans cette région ?): dans certains fivondronana il ne dépasse pas 1% des suffrages ; il n'arrive qu'exceptionnellement parmi les trois premiers choix des électeurs, à Toliara I par exemple (8,7%) ;
2. La bonne assise d'Hery Rajaonarimampianina : celui-ci est presque toujours classé dans les deux premiers choix des électeurs, parfois avec un score supérieur à 30% ;
3. La bonne assise régionale du Général Camille Vital : à Toliara I, sa ville d'origine, il atteint même 40% des suffrages ;
4. Les bons résultats d'Hajo Herivelona Andrianainarivelo qui se classe le plus souvent parmi les trois premiers candidats choisis ; à Betioky, c'est même un incroyable succès : presque 50% des suffrages ;
5. Les excellents résultats de la candidate verte Saraha Georget en Ivohibe (1ere) et en Iakora (2e avec 31%), Ihorombe ;
6. La surprenante absence de Monja Roindefo, ancien Premier Ministre et fils de Monja Joana. Son seul bon résultat est à Amboasary.

lundi 28 octobre 2013

Présidentielles malgaches 2013 : carte des tendances régionales

Ces élections ont mis en concurrence 33 candidats au premier tour le 25 octobre. Depuis les résultats arrivent au compte-goutte. La tendance générale qui semblerait se dégager serait un second tour entre le Dr JEAN-LOUIS Robinson et M. Héry RAJAONARIMAMPIANINA ou entre le Dr JEAN-LOUIS Robinson et le Général Camille VITAL. Cependant les résultats en province sont encore très partiels et une grosse surprise est donc encore possible (voir RFI).

Abréviations :
JLR : JEAN-LOUIS Robinson Richard
HRR : RAJAONARIMAMPIANINA RAKOTOARIMANANA Hery Martial
RR : RATSIRAKA Iarovana Roland
Vital : VITAL Camille

Les chiffres du CENIT sur Madagascar-Tribune.

Cette carte Tatsimo est libre de droits.

Sous réserve de bouleversements apportés par les résultats complets de cette élection, on note le fort ancrage de Jean-Louis Robinson, soutenu par le président déchu Marc Ravalomanana, en Imerina et dans le Boeny (région de Mahajunga). Mais on observe aussi qu'en dehors de ces régions son audience est souvent plutôt médiocre.
Héry, soutenu par l'actuel président de la Transition, a un ancrage national mieux marqué : il se place pour le moment partout parmi les deux premiers prétendants au second tour, sauf dans le Menabe. S'il devait être présent au second tour en décembre, cet ancrage régionalement mieux réparti devrait lui offrir des chances a priori meilleures que celles d'autres candidats.
Le Général Vital, originaire de Tuléar, a un excellent ancrage dans l'ancienne province de Tuléar et au Sud-Est, tandis que Roland Ratsiraka, neveu de l'ancien président, a son fief à l'Est et dans le Nord, ce qui n'étonnera personne.


mardi 22 octobre 2013

Le tourisme à Madagascar : débâcle en vue

Pendant de nombreuses années, le tourisme international à Madagascar a été en pleine expansion : en 2008, année record, on compte 375 000 entrées de visiteurs étrangers contre 121 000 en 1998, dix ans plus tôt (1). 2009 marque la crise, les entrées ne sont plus que de 162 000 visiteurs. Depuis le tourisme malgache a remonté la pente : 196 000 visiteurs en 2010, 225 000 en 2011, 256 000 en 2012. 
En juillet 2013, coup de froid : les cinq premiers mois de l'année marquent un recul de 4% des entrées de visiteurs étrangers. Cependant le plus dur est à venir. Ce qui vient de se passer au début du mois d'octobre à Nosy Be, principale destination intérieure, risque de provoquer  une véritable débâcle. Madagascar restera durablement dans les mémoires comme le pays où des touristes étrangers peuvent, comme dans un film d'épouvante, se faire lyncher et brûler vifs par une foule en transe sous des prétextes complètement fallacieux

Voir "A Madagascar, la folle rumeur qui a mené trois hommes sur le bûcher" de Soren Seelow et S. Hervieu (Le Monde du 12/11/2013)

Voir article de la Tribune.

(1) statistiques officielles reprises par la Banque Mondiale


jeudi 17 octobre 2013

Perrier de la Bâthie et l'exploration du Pic Boby (Andringitra, Madagascar)


22°13'S, 46°54'E
C'est le naturaliste Henri Perrier de la Bâthie, accompagné du topographe J. Descarpentries, qui en 1922 compléta sa première description (1911) et termina l'exploration du massif granitique de l'Andringitra qui signifie "là où poussent des plantes rabougries". En effet les espèces saxicoles endémiques y sont très nombreuses. Mais en fait on devrait parler de l'Imarivolanitra. Cet inselberg se trouve au sud d'Ambalavao en pays Bara. Le plus haut sommet du massif (2658 m) fut alors atteint et nommé "pic Boby". Curieusement il ne s'agit pas d'un toponyme malgache se terminant en y mais du nom du chien de Descarpentries.  Par la suite les expéditions scientifiques se sont multipliées : Humbert en 1924 puis 1934, Decary, Millot en 1949. Michel Petit, un géographe en fit une description géomorphologique minutieuse dans les années 50.


PAULIAN R., BETSCH J.M., GUILLAUMET J.L., BLANC C. & GRIVEAUD P., 1970-71.- Etude des écosystèmes montagnards dans la région malgache - I. Le massif de l'Andringitra - Géomorphologie, climatologie et groupements végétaux.  Bull. Soc. Ecol., II, 2-3, 189-226.
PETIT M., 1971.- Contribution à l'étude morphologique des reliefs grantiques à Madagascar. Tananarive, Imprimerie Centrale (thèse d'Etat de Lettres - Aix, 1970), 308 p. + 112 fig.

Image Google earth : l'Andringitra