mercredi 30 décembre 2015

Les premières représentations cartographiques de Madagascar (1251-1519)

Les toutes premières représentations de Madagascar peuvent aujourd'hui paraître simplistes, voire totalement farfelues. Le fait de nommer cette île et de la placer dans l'espace terrestre était cependant une avancée fondamentale. 

C'est au géographe arabe Idrîsî que l'on doit probablement la première représentation de Madagascar, île alors appelée Kumr, dans le "Kitab el Rudjar" ou "Livre de (roi) Roger" (1154), un véritable atlas dans lequel les cartes sont orientées au Sud. Il n'est pas évident de reconnaître Madagascar !

Kitab el Rudjar 1154
Martin Behaim était originaire de Nuremberg et s'est mis au service du roi du Portugal. Son globe date de 1492. Il est considéré comme le plus ancien globe terrestre. Madagascar Insula est le nom qui restera définitivement... en dépit d'une longue éclipse où on lui préférera Saint-Laurent. Quant à la forme de l'île et à son contenu, c'est l'imagination qui préside sur la réalité.
Martin Behaim 1492
Voilà une île bien géométrique et verdoyante mais précisément située au large du Mozambique. On a donné à cette représentation de Madagascar datant de 1502, nommée Comorbinam, le nom d'Alberto Contino mais il n'en serait pas l'auteur. Sur le planisphère, longtemps resté secret, figure intégralement l'Afrique. C'est le bilan du savoir des marins portugais de cette époque.
Contino 1502
 Des quatre exemples choisis, nous finirons par le plus récent tiré de l'Atlas Lopo Homem Reinéis (qui inclut l'atlas de Miller) en 1519. Grâce aux navigateurs portugais et aux récits de voyageurs, cette carte représente presque fidèlement les contours de l'île de Sam Lourenço comme on la dénomme à cette époque.
1519 - Lopo Homen


Références :

Carvalho Vicente M.A., 2015.  Représentations Cartographiques de Madagascar. CLEPUL, Lisbonne, 45 p. 

Carvalho Vicente M.A., 2015. Madagascar dans les sources portugaises. CLEPUL, Lisbonne, 45 p. 

mercredi 23 décembre 2015

Tavy, tetik'ala et fronts pionniers agricoles


Un front pionnier comme il en existe dans des pays comme le Brésil, le Venezuela ou Madagascar consiste en une série de défrichements destinés à créer des champs permanents. L'espace forestier est grignoté plus ou moins rapidement... et définitivement. On parle parfois de fronts caféiers, de fronts du soja ou du coton, désignant ainsi le phénomène en fonction de la plante concernée. 
 
Front pionnier en pays Mikea (E vers W)
Front pionnier au NE de Madagascar (W vers E)

Les termes de tavy et de tetikala désignent un même phénomène collectif d'agriculture itinérante sur brûlis. Les villageois ouvrent une clairière dans la végétation ligneuse vieille d'au moins quelques dizaines d'années, plantent et récoltent durant les deux ou trois années suivantes puis vont défricher un peu plus loin. Les tavy concernent la façade orientale humide de Madagascar où s'étend la forêt pluviale, le tetikala est bien connu en pays Mahafaly couvert de fourré xérophile. Le phénomène met-il en péril la forêt et sa biodiversité ? Non si la jachère permet à la végétation de se reconstituer dans un contexte de faibles densités de population.

tavy à l'est de Fianarantsoa
tetikala  région d'Androka

mardi 22 décembre 2015

Andranovory, ville-carrefour

S'il y a bien une ville qui exprime bien la fonction de carrefour, c'est bien Andranovory. Ce bourg est le point de départ sur la RN7 de l'axe routier qui va vers Ampanihy, Ambovombe et Tôlagnaro (Fort-Dauphin). Il s'agit de la RN10, encore partiellement bitumée. Ce qui était le rassemblement de quelques hotely et d'une station de carburant est devenu ville : la commune aurait aujourd'hui plus de 30 000 habitants. Il faut dire que cette partie du causse de Vineta dispose de terres fertiles. 

Nous vous proposons quelques images satellitaires d'Andranovory, particulièrement belles. 

La mosaïque champêtre
Le bourg
La mare
Le carrefour

Un paquebot échoué dans les palétuviers : l'hôtel Amazone à Tuléar

A la jonction du boulevard Lyautey et du boulevard Philibert Tsiranana, face à l'Alliance, a surgi un gros paquebot de maçonnerie. C'est l'hôtel Amazone et ses 24 chambres. A bâbord, vue sur le centre ville, mais à tribord, on a l'impression d'être échoué dans la mangrove pour ne pas dire dans "le(s) Palétuvier(s)" (1) et dans le jardin public Marimar. On ne peut s'empêcher de penser à Fitzcarraldo, un film de Werner Herzog dans lequel jouaient Klaus Kinski et Claudia Cardinale, sorti en 1982 après un  tournage dans les conditions réelles de l'épopée.

 (1) c'est le nom de l'hôtel tout proche
L'hôtel Amazonia à Tuléar : vue d'artiste


 Images satellitaires de septembre 2014 via Google earth

mardi 15 décembre 2015

Aux origines de la langue malgache : 2. l'inscription de Kota Kapur


En 1892, on apporte à l'administrateur néerlandais Van Der Meulen une pierre gravée dans les caractères pallava du Sud de l'Inde et en langue malaise ancienne, trouvée à Kota Kapur sur l'île de Bangka qui fait face à Palembang. Ce texte fera l'objet de traductions et de commentaires de la part de H. Kern (1913), de Gabriel Ferrand (1930), de George Coedès (1930) et plus tard d'Otto Dahl, un spécialiste de Madagascar. Il est daté de 686 de notre ère. Ces scientifiques étaient de grands épigraphistes, linguistes et historiens. Avec les pierres de Kedukan Bukit et de Talang Tuo, celle de Kota Kapur témoigne de l'existence du grand royaume indianisé (ou hindouisé) de Srivijaya dont la capitale se trouve à Palembang, alors sur le rivage qui depuis se trouve une centaine de kilomètres en aval. Otto Dahl fera le lien entre le malais ancien de la pierre gravée de Kota Kapur, la langue ma'anyan et la langue malgache. On peut penser que les personnes, des Bajau ou Orang Laut, qui sont à l'origine de la langue malgache (pour l'essentiel) sont parties en bateau du royaume de Srivijaya.


Voici la traduction améliorée du texte publié sur http://melayuonline.com/fr/  :


 « Un dignitaire audacieux du royaume de Srivijaya, Kandra Kayet alla dans le champ de bataille. Il se battit contre Tandrun Luah et réussit de le tuer. Tandrun Luah mourut dans la bataille. Que devint-il, l‘assassin ? Il périt. Retenez bien cette victoire !

Vous, les dieux qui se réunissent et gardent le royaume de Srivijaya ! Et toi Tandrun Luah, et les gardiens mentionnés dans l‘introduction de décret ! Si un jour, dans le territoire entier du royaume, il y avait un traître ou quiconque à qui j‘ai confié le pouvoir sur les régions coopère avec le traître, se déclare comme le traître, ou inversement renonce à se soumettre et à me rendre service et me trahit, il/elle éprouvera les sanctions de ce décret. Au nom de Srivijaya, il/elle sera confronté aux troupes du royaume. Sa famille sera exterminée ! Et quiconque essayera de me faire mal et me jeter des sorts sera mis en échec. Quiconque essayera de casser cette statue recevra des sanctions. Ceux qui ne m‘obéissent pas, ne me sont pas fidèles après avoir reçu ma confiance, ces imprécations les tueront.

Mais en revanche, ceux qui me rendent service, je souhaite qu‘ils soient récompensé et leurs familles soient en paix et délivrées de tous les malheurs, aillent bien et pour mes dignitaires qui me soutiennent, je souhaite qu‘ils aient de la chance. »

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Références :

Coedès, G., 1948. Les Etats hindouisés de l'Asie du Sud-Est.  Paris, E. de Boccard.

Dahl, O.Ch., 1991. Migration from Kalimantan to Madagascar. NUP, 144 p.







Kota Kapur sur Google earth





dimanche 13 décembre 2015

Aux origines de la langue malgache : 1. chez les Ma'anyan de Bornéo

Les Ma'anyan forment une petite communauté (environ 70 000 personnes) vivant au SE de Bornéo dans la région forestière et équatoriale du Kalimantan Selatan. Ils appartiennent au groupe des Dayak, des Malais non ou peu islamisés parlant leur langue d'origine. Or celle-ci est très proche de la langue malgache et de ses déclinaisons régionales, Grand Sud de Madagascar inclus. Par ailleurs, elle est également proche de ceux qui ont été appelés nomades de la mer, les Bajau. Les Ma'anyan ont, semble-t-il, choisi de quitter la côte et Banjarmasin, il y a quelques siècles, pour habiter plus à l'intérieur des terres. A l'origine, il est vraisemblable que cette communauté ait été apparentée au groupe Bajau dont certains membres auraient navigué jusqu'à Madagascar. 

 Lire : Dahl, O.Ch., 1991. Migration from Kalimantan to Madagascar. NUP, 144 p.
 
La suite à :  Aux origines de la langue malgache : 2. l'inscription de Kota Kapur

Source : SIL International

Village sur un méandre recoupé
Les plantations de palmier à huile, une activité importante


La mine de charbon de Warukin


Un village et ses "longues maisons" sur pilotis

Banjarmasin d'où viendraient les Ma'akan

vendredi 4 décembre 2015

« Vohimasina, village malgache » sous l'oeil des satellites

J'ai connu le Père Bernard Chandon-Moet lorsqu'il était l'aumônier dévoué des étudiants de l'université de Toliara (Tuléar). Il avait publié plus d'une dizaine d'années auparavant une remarquable monographie consacrée à un village antemoro situé à l'embouchure du Faraony sur la Côte Est de Madagascar : « Vohimasina, village malgache. Tradition et changement dans une société paysanne », Paris, Nouvelles Editions Latines, 1972, 223 p. C'est là une des nombreuses contributions à la connaissance des sociétés malgaches contemporaines dans lesquelles s'affrontent tradition et modernité. L'isolement de Vohimasina est encore aujourd'hui une des plus grandes contraintes économiques pour ces riziculteurs pauvres. Cependant aujourd'hui on peut voir distinctement tous les détails de l'espace villageois grâce à l'imagerie satellitaire mise à disposition par Google earth. A l'époque où B. Chandon-Moet vivait à Vohimasina, les photographies aériennes panchromatiques ne permettaient qu'une vision approximative de ce terroir remarquable. 

La partie la plus animée de Vohimasina

L'embouchure du Faraony

Les hameaux de la rive droite

Les hameaux de la rive gauche : Manjarivo, Ambohimanarivo, Masianaka, Ampitaka...