jeudi 19 février 2015

Une page d'histoire tragique : l'insurrection du Sud en 1971

Est-ce que cet évènement est connu ?
 Ny Fikomiana Tany Atsimo est bien moins souvent évoqué que les insurrections précédentes qui marquent l'histoire du Sud :  celle de 1904-05 dans le Sud-Est, celle de 1915-17 dans le Sud-Ouest. En revanche, celle de 1947, la plus connue, touche durement les hautes terres et l'Est mais pratiquement pas le Sud.

Quand débute-telle ? 
Selon les sources, le 31 mars ou le 1er avril 1971.

Quand se termine-t-elle ?
Presque aussitôt. On parle généralement du 2 avril. Commence alors une terrible répression qui dure plusieurs semaines. Le 23 avril, Monja Jaona que ses partisans avaient enlevé pour le protéger est arrêté. On considère souvent que "l'affaire" se termine avec la rencontre à Tuléar entre Philibert Tsiranana et Monja Jaona, le 16 mai. Il faut cependant attendre août 1971 pour le retour des prisonniers du bagne de Nosy Lava. 

Quel est le contexte ?
La Première République, celle du Président Tsiranana, minée par des rivalités, est à bout de souffle. Dans les campagnes du Sud, la pauvreté perdure, notamment lors de terribles kere liés aux sécheresses. 

Quelles sont les régions touchées ?
Les manifestations touchent pour l'essentiel les petits centres urbains du pays Mahafale, de l'Androy et de l'Anosy. C'est là que le MONIMA était puissant. Il ne se passe rien à Tuléar et Fort-Dauphin.



Quelles sont les causes ? 
Bien que survenant après l'indépendance, cette insurrection prolonge les deux précédentes déjà citées.  L'administration locale mise en place par la colonisation est considérée par la population du Sud, pour toutes sortes de raisons, comme culturellement étrangère. Les vazaha y sont rares depuis 1960, mais restent les fonctionnaires malgaches qu'ils aient été recrutés sur place, ou qu'ils aient été originaires des hautes terres ou des villages makoa de l'Ouest. En particulier, l'obstination de l'administration à considérer le bétail comme imposable est, depuis les débuts de la colonisation,  ressentie comme insupportable, de même que la corruption en plein développement. Pendant la Première République, on note la montée des vexations et des sévices à l'égard des paysans refusant l'impôt. Dans un milieu rural où tout le monde se connaît, il est facile de désigner la source de ses maux.

Le MONIMA en est-il l'organisateur ?
Cela ne fait aucun doute. Monja Jaona l'a revendiqué lui-même. Au sommet de l'Etat comme à l'ambassade de France, tout le monde est au courant de la volonté d'agir du chef charismatique de ce parti. Cependant certains analystes pensent que se sont les jeunesses du parti qui sont responsables. On peut penser, vu les menaces proférées à l'encontre du MONIMA que ce dernier est tombé dans un véritable piège visant à le faire disparaître. Les insurgés qui sont de petits éleveurs ont préalablement juré qu'ils ne tueraient pas, ce qui est respecté. A Betioky et à Ampanihy, quand ils apparaissent, armés de lances et de gourdins, on leur tire dessus. Mais cela n'est pas généralisable.

Quel était le but ?
Sans doute être l'étincelle d'un grand mouvement national. En fait seuls quelques fivondronana sont touchés. L'attente d'une aide "internationale" a fait partie des fantasmes de certains militants.

 Quelle fut la répression ?
Elle est réalisée sous les ordres du colonel Radsimandrava mais la gendarmerie est débordée par des règlements de compte purement locaux. Personnes n'est d'accord sur les chiffres. L'administration parle d'une cinquantaine de morts et de 20 blessés, le MONIMA de 3000 morts. On considère généralement qu'il y a eu entre 800 et 2000 morts, sans parler des personnes blessées ou victimes de sévices graves (tortures, viols). On laisse par ailleurs des cadavres de militants exposés dans les rues à la merci des chiens. Les arrestations pour "atteinte à la sécurité de l'Etat" touchent au moins 2 300 personnes. Mais seules 523 sont déportées dans des conditions cauchemardesques puis libérées.

Où trouver la documentation ? 


Althabe, Gérard, 1972.-. Les manifestations paysannes d'avril 1971. Revue française d'études politiques africaines [Dakar], 78 : 71-77.
Bernard, Alain, 1978.- Essai sur la transition de la société Mahafaly vers les rapports marchands. Paris : ORSTOM, Travaux et Documents, 90, 411 p.
Galibert, Didier, 2002.- Syncrétisme politique et « commandement » postcolonial : violences rurales dans le Sud malgache. Revue des Mascareignes, 4 : 249-256.
Raison-Jourde, Françoise et Roy, Gérard, 2010.– Paysans, intellectuels et populisme à Madagascar : de Monja Joana à Ratsimandrava (1960-1975). Paris, Karthala, 487 p.   (voir pages 229 à 252)  C'est l'analyse la plus complète.


4 commentaires:

  1. Article tombant à pic car je viens de voir le film TABATA de Pierrot Rajaonarivelo.

    Voici un lien intéressant pour les amateurs de BD historique :

    http://en.unesco.org/womeninafrica/assets/pdf/bande_dessinee_gisele_rabesahala.pdf

    Et merci pour toutes ces références bibliographiques !

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  2. Ratsimandrava était il le grand défenseur de la population tel qu'on nous le présente, dans le cadre de la notion du fokonolona?

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  3. Ratsimandrava était il le grand défenseur de la population tel qu'on nous le présente, dans le cadre de la notion du fokonolona?

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