C'était il y a 29 ans, dans la nuit du 31 juillet au premier août
1985 : les deux camps des Kung-fu, situés dans des quartiers de la capitale à Ambatomainty et à Behoririka, sont pris d’assaut par l'armée, notamment par des commandos venus de Diégo, appuyés par des hélicoptères et par des blindés. C'est un massacre. Le fondateur des Kung-fu,
Maître Pierre, P. Mizaël Rakotoarijaona est tué, de même que 70 des jeunes très disciplinés qui lui obéissaient. Ceux qui n'ont pas réussi à quitter la ville (au moins 200) sont arrêtés, jetés en prison avant d'être jugés en 1988.
Que s'est-il passé ? Le pouvoir de Didier Ratsiraka, instigateur de la répression, s'est-il vraiment senti menacé par ces jeunes issus pour l'essentiel de la bourgeoisie locale ? Les médias, contrôlés par le pouvoir, ont dénoncé la terreur que faisaient régner ces Kongona (mot d'argot). Mais cette accusation est réfutée par la plupart des témoins. Par contre, il est aisé de revenir sur un autre évènement sanglant : quelques mois plus tôt, le 4 décembre 1984, à la demande des commerçants du centre de la capitale et avec l'accord tacite d'au moins une partie des autorités dont ils dépendaient, sinon de leur totalité, les Kung-fu avec l'appui de la population se sont attaqué au quartier général des TTS (Tary Tonga Saina : les Gars Conscientisés) dans une partie désaffectée de la gare centrale (Camp Pochard). Le massacre de ces bandits, accusés de racket, de kidnappings, de meurtres et de viols, confine l'horreur. Une cinquantaine d'entre eux est tuée. Les Kung-fu acquièrent alors une grande popularité. Est-ce cette dernière, ajoutée à un compétence et un courage certains au combat, qui est à l'origine de leur liquidation ? C'est aux historiens de résoudre ce qui reste en partie une énigme.
A lire :
Raison-Jourde, F., 2002.- Les Kung-Fu. Politique Africaine, 86 : 68-69.
Toujours intéressant de re-visiter l'histoire. Ainsi une certaine similitude revient au grand jour : l'absence de l'Etat et la tentation de se faire justice. D'où la question que je pose souvent : à quoi sert l'armée malgache ? Habituellement une armée se justifie par la présence d'une frontière (risque d'agression externe). Dans un pays "pauvre" pourquoi consacrer un budget pour la chose militaire ?
RépondreSupprimerDernier grain de sel : Les publications de Raison-Jourde sont toujours d'une grande nécessité pour tout individu souhaitant décrypter Madagascar et les malgaches. (entre autres : "Bible et pouvoir à Madagascar" relate la concurrence franco-anglaise - puis protestante et catholique de nos jours - pour le pouvoir...)
Merci au blogueur.
D'accord sur la qualité des publications de Mme Raison-Jourde. Moins d'accord sur l'absence de l'Etat sous Ratsiraka en 1985. Je crois au contraire que l'Etat malgache à cette époque cumulait tous les défauts de la bureaucratie française et surtout soviétique. Quant à l'utilité de l'armée c'est un bien vaste et ancien débat où chaque camp a ses arguments. Merci en tout cas pour ce commentaire.
RépondreSupprimerEffectivement, les malgaches étaient très surveillées dans les années 80...
RépondreSupprimerMea culpa. Au moment de la rédaction du commentaire, mon esprit était plutôt dans l'actualité - donc hors sujet.
Il n'en reste que le sud malgache demeure le théâtre de drames comme le témoigne le reportage du fameux photographe Rijasolo sur mediapart :
http://www.mediapart.fr/portfolios/madagascar-le-vol-de-zebus-vire-au-meurtre-de-masse