A Madagascar, un patrimoine a
complètement disparu : celui des tatouages traditionnels. L'Ouest et le Sud de
la Grande Ile ont bien résisté mais peu à peu l'art malgache
du tatouage s'est évanoui. Cependant grâce à un
administrateur / scientifique remarquable, Raymond Decary, nous avons droit à un
panorama du phénomène tel qu'il se présente un peu avant 1935 (1). A cette époque, il n'y a pas
trace
de tatouages en Imerina, ce qui ne signifie pas forcément qu'il n'y a
jamais rien eu. En pays Betsileo et en pays Betsimisaraka, il n'y a
déjà presque plus rien. Par contre dans le Sud, le
tatouage s'enrichit de l'écriture romaine qui permet de graver des
noms sur la peau de ceux qui le veulent bien. Le tatouage dans cette partie de
Madagascar se pratique de manière originale : on pique la
peau avec des épines d'oponces (des Cactaceae introduites), puis on
frictionne la plaie avec une décoction de poudre de charbon de maïs ajoutée aux sucs de différentes plantes à fort pouvoir tinctorial.
Quand la cicatrisation est terminée, apparaît alors un dessin bleuté qui
va avoir tendance à s'effacer au fil des ans. Les femmes sont les
plus concernées par cet art profane (certaines étaient
couvertes sur tout le corps) mais de nombreux hommes s'y prêtent également. Il existe de multiples variations géographiques de motifs, de
choix des parties du corps. Le vocabulaire lui-même est riche
des termes qui désignent les motifs : figures géométriques, animaux,
hommes parfois, figures du sikily, cet art de
la divination venu du Nord. A la veille de la Seconde
Guerre Mondiale, le tatouage n'est plus à la mode : les églises
catholique et protestante ne doivent pas témoigner davantage
d'enthousiasme que l'administration. Pire, être tatoué fait "paysan"
(ou "paysanne") suggère Decary, qui n'a aucune tendresse pour les
gens du Sud qu'il décrit comme des rustres sans peur de se contredire.
Cependant, grâce à lui, il y aura certainement un jour un
renouveau du tatouage traditionnel malgache.
(1) Decary, Raymond, 1935.- Les tatouages chez
les indigènes de Madagascar. Journal de
la Société des Africanistes, 5-1 : pp. 1-39
Article d'abord sorti sur Paesaggio, paysages le 13 février 2013
Merci pour cet article que j'attendais depuis longtemps. Effectivement, j'ai lu de rares témoignages sur cet art à Madagascar et je suis resté sur ma faim.
RépondreSupprimerDeux ans en Polynésie française m'a fait comprendre que l'interdit (et la dévalorisation) de certaine pratique culturelle n'a pas empêché ce renouveau que vous évoquiez en fin d'article.
Veloma
Oui, l'exemple de l'Océanie montre que les interdictions n'ont qu'un temps.
Supprimeroups :"m'ont fait comprendre"
RépondreSupprimerA notre époque, voir ses fautes de frappe, c'est déjà être excusé !
SupprimerVoici une exposition à ne pas manquer pour les amateurs de tatouages :
RépondreSupprimerhttp://www.quaibranly.fr/fr/programmation/expositions/prochainement/tatoueurs-tatoues.html
Une adresse sérieuse. Mais il vaut mieux habiter Paris ou pas trop loin.
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