Le Grand Sud de Madagascar est particulièrement
photogénique. Un article du 10 octobre 2010 de Le Monde.fr de Sébastien
Hervieu intitulé « Madagascar, terminus des cyclones » nous en donne
encore la preuve. Pour le reste, il s’agit d’un ensemble de lieux-communs
popularisés depuis quelques années par certaines ONG et administrations
malgaches.
Nous éviterons de tomber dans cette
manière de faire en prenant soin de ne pas développer des idées comme celle qui
consiste à dire que le changement climatique est pour ces ONG « un enjeu qui
rapporte gros » ou celle qui consiste à voir dans la main mise
anglo-saxonne dans la gestion des aires protégées, source de graves conflits avec la population rurale
excédée, « une nouvelle colonisation ». En effet, ce type
d’affirmation, trop répandu, n’a à ma connaissance que des fondements
insignifiants.
Le titre « Madagascar, terminus
des cyclones » offre au lecteur une image éloignée du contenu de l’article
en fait consacré aux espaces méridionaux de la Grande Ile. Certes de très
nombreux cyclones du Sud-Ouest de l’Océan Indien terminent leur parcours en
entrant à l’intérieur des terres de la Grande Ile mais il existe des exceptions.
Quant à la volonté de nous faire croire que tous les cyclones tropicaux
aboutissent à Madagascar, je refuse de penser que l’auteur se soit ainsi
fourvoyé, en dépit de l’ambigüité de cet intitulé et de la contradiction liée à la présentation d'Haruna comme un phénomène exceptionnel.
Une forte croissance démographique dans une région rurale pauvre |
Il y a ambigüité également dans de
nombreuses formules mais cette fois il me semble qu’il y ait une volonté réelle d’induire
en erreur le lecteur. Ainsi dans le prologue, « disparition de la
mangrove » est une formule qui donne à croire que la mangrove malgache est
en voie de disparition. Certes les dégradations sont fréquentes mais comme cela
a été montré dans le blogue « Mangrove Mangals » la mangrove
malgache, loin d’être menacée de disparition,
joue un rôle économique important et
prograde rapidement en maints endroits.
L’article souffre de nombreuses approximations
comme celle qui consiste à voir dans des changements mineurs d’ordre
sédimentologique un effet du changement climatique. Ou en montrant le
creusement de vovo (puits) dans les
lits sablonneux des fleuves comme des phénomènes nouveaux.
L’allongement de la durée de la
sécheresse dans le Sud est un phénomène difficile à mettre en évidence tant la
crise sociale et environnementale a un caractère systémique dans cette région soumise
à un climat subaride depuis quelques millénaires. Les choses sont en revanche
plus claires en ce qui concerne l’élévation des températures dont des
publications ont montré qu’elle ne touchait pas le Sud de Madagascar il y a
quelques années (2) au moment où le WWF prétendait exactement le contraire.
Bien avant les débuts de la colonisation française, le Sud était affecté par de
nombreuses sécheresses à l’origine de kere
ou disettes. Le phénomène se poursuit malheureusement touchant des populations
de plus en plus denses du fait d’une croissance démographique.
On essaie de nous
« vendre du changement climatique » alors que le phénomène de
très loin le plus préoccupant est celui
de la pression sans cesse accrue sur les ressources naturelles. En dépit d’un
mouvement migratoire continu d’une partie de la population du Sud vers d’autres
régions plus septentrionales de Madagascar, la population des régions
concernées par un climat subaride (générant donc une forte variabilité climatique interannuelle) ne cesse d’augmenter. Les centres urbains eux
ne créent pas d’emplois se cantonnant à la gestion administrative des entités
territoriales. Pour survivre, on surexploite les lagons et les récifs
coralliens, et on détruit le précieux couvert végétal xérophile. Les
tours-opérateurs font croire, grâce à des images de dunes littorales, que le
Sud est un désert. C’est faux mais pour combien de temps au rythme où vont les
destructions (3) ?
(1) L’administration malgache n’a
toujours pas choisi entre Toliary et Toliara, transcrits en français par
Tuléar. Toleara en revanche n’existe pas.
(2) Lebigre, J.-M.
et Montel, Y., 2012.- Vers
une aggravation de la crise de l’eau dans le Sud semi-aride de
Madagascar ? Dynamiques
environnementales, 29 : 81-90.
Tadross M., Randriamarolaza L., Rabefitia Z., Zheng
K.Y. - 2008 -
Climate change in Madagascar; recent past and future. Washington DC., Banque
mondiale, 18 p.
Vallet-Coulomb C. et
al., - 2006 - Hydrological modeling of the tropical closed
Lake Ihotry (SW Madagascar) : sensitivity analysis and implications for
paleohydrological reconstructions over the past 4000 years. Journal of Hydrology, 331 : 257-271.
Vincent L.A. et
al. - 2011 - Observed trends in indices of daily and
extreme temperature and precipitation for the countries of the western Indian
Ocean, 1961–2008, J. Geophys. Res.,
116.
(3) Lebigre J.M. (à paraître). Petite encyclopédie du Grand Sud de Madagascar. PUB, Pessac: Coll. Dynamiques environnementales, A la Croisée des Sciences, 400 p.
C'est par le hasard de facebook que j'ai lu il y a deux heures l'article du Monde. Heureuseme que je tombe sur celui de Tatsimo qui remet les choses dans leur contexte.
RépondreSupprimerSinon, il y a quand même de belles photos sur l'article du Monde.
Ici encore le dicton confucéen "Une image vaut mille mots" est vérifié par cette page où il n'y a qu'une photo.
Désolé, la réponse donnée il y a qq jours ne s'est pas affichée. J'y disais qu'il est hélas aisé de faire mentir une image même si ça ne remet pas en cause ce proverbe chinois.
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